J’ai toujours été grosse… obèse (partie 3)

https://wordpress.com/post/imaginerdemain.wordpress.com/2267

https://wordpress.com/post/imaginerdemain.wordpress.com/2289

Donc, fin 1993, quelques mois après la mort de ma grand-mère, je n’avais plus de kilos en trop. Mais je ne savais pas quoi faire de ma carcasse. Paris sans ma grand-mère perdait de sa beauté. C’est elle qui m’a fait aimer Paris à ce point, me l’a fait découvrir. Elle est née en plein Montmartre, dans un immeuble à deux pas de la place du Tertre. Aujourd’hui, j’habite Montmartre, me suis mariée à la mairie du 18e arrondissement où sa naissance a été déclarée, la boucle est bouclée.

Je ne me souviens pas précisément quand, comment, mais toujours est-il que bien évidemment j’ai regrossi. A part manger, j’avais quoi comme plaisir dans la vie ? Je travaillais beaucoup, j’ai toujours aimé travailler, et j’ai toujours eu la chance de trouver facilement du travail, je n’ai jamais souffert de discrimination envers les obèses à l’embauche. J’ai souvent changé de travail, la nouveauté et les challenges me plaisaient, et j’ai progressé.

Pour le reste en revanche, pas de progression. J’étais toujours dans l’excès, soit je ne mangeais rien, soit j’outre-mangeais. Je me remplissais pour oublier le vide de ma vie, pour oublier ce corps violenté que je détestais, pour oublier le dégoût que je voyais dans les yeux de mon père… Je mangeais jusqu’à l’écoeurement, en revanche, jamais je ne me suis fait vomir. Je ne suis jamais tombée dans la boulimie vomitive, c’est sans doute mieux. Je ne suis pas allée voir un psy, c’est ça qui m’aurait fait du bien, mais je n’ai pas eu ce courage.

Pendant une dizaine d’années mon poids n’a cessé de varier, entre 85 et 105 kilos. Jamais je n’ai pu stabiliser. A chaque fois que j’arrivais vers 85, ce qui peut paraître un poids élevé, mais auquel je paraissais presque mince, il se passait en moi un phénomène me poussant à tout saboter, à regrossir, toujours dans le but d’être à l’abri sous mon mur de graisse. Je n’étais pas prête à réellement maigrir, à affronter la vie sans mon gras protecteur.

Et puis, si je veux être totalement honnête, je crois que ce qui m’intéresse, c’est le challenge. Le challenge de maigrir, l’excitation qu’on ressent quand les kilos s’envolent. Alors qu’aujourd’hui, je pense que le vrai défi, c’est ne pas regrossir. Maigrir n’est pas si difficile en réalité, ce qui me semble excessivement compliqué, c’est continuer le combat quotidien pour maintenir mon poids, sans avoir la récompense de voir le chiffre sur la balance bouger.

Depuis quelques mois, je sors de ce raisonnement (qui n’engage que moi), mais c’est très très difficile. Ma nature passionnée et excessive a besoin de défis, de challenges, de dépassement, et stabiliser, et bien, il n’y a pas de défi quantifiable, alors que, vous le savez, j’aime tellement les chiffres ! Et je suis lucide, je me rends compte que je remplace une compulsion par une autre. Je ne mange plus comme une outre, ce n’est plus mon obsession, même je me désintéresse de la nourriture, en revanche j’ai reporté mes excès sur le sport et sur l’achat de vêtements…

Je crois sincèrement que je ne serai jamais quelqu’un de modéré. Tant pis, finalement je préfère être passionnée avec toujours plein de rêves, de projets, d’objectifs que vieillir en vivant dans le passé et en devenant aigrie et radoteuse à toujours critiquer;-) Donc, fin de la parenthèse.

J’ai eu cette période d’une dizaine d’années, un peu floue, totalement axée sur le travail et l’amitié. Et le 5 octobre 2003, ma vie a changé. J’ai rencontré Chéri ! Je vous ai déjà raconté notre rencontre, notre coup de foudre, le fait que je sois allée habiter chez lui trois jours après notre rencontre.

L’un comme l’autre, au bout de quelques heures, nous nous sommes rendus compte que nous avions envie d’être ensemble. Ce fut très simple. On avait envie d’être ensemble, alors on ne s’est plus quittés. Je n’ai pas écouté tous ceux qui m’ont dit c’est une folie bla bla bla. Quelle folie ? Au pire, au bout d’un mois nous ne nous supportions plus, et je rentrais chez moi, voilà. Mais pourquoi perdre du temps, se priver de ce dont a tellement envie ? Quand j’ai connu Chéri, j’étais à 95 kilos, Chéri adore les femmes très en forme(s).

Pendant un an, mon poids est resté stable. Nous allions au restaurant trois fois par semaine, je n’ai plus du tout cuisiné, car c’est la passion de Chéri et il le fait autrement mieux que moi, et j’ai mangé très différemment de quand j’étais seule. Plus gras, plus copieux, je me suis vite faite à la bonne cuisine de Chéri:-) Et malgré ça, pendant un an, je suis restée à 95 kilos. Le pouvoir de l’amour ? Non, je ne sais pas…

Je me pesais de temps en temps, et je voyais que mes vêtements m’allaient toujours donc j’ai profité au maximum de cette « chance » et me suis mise à manger des portions de plus en plus grosses, et surtout, j’ai introduit dans mon alimentation ce qui n’y était pas du tout avant, les chips et le saucisson, quotidiennement, chaque jour en rentrant du travail. Ca en plus du chocolat que j’aime tant, ça ne pouvait pas ne pas me retomber dessus.

En 2005, terminée la période de grâce où je ne grossissais pas, et hop, mon poids est monté en flèche. J’ai dû, encore une fois, adapter toute ma garde-robe, arrivant jusqu’à la taille 54. Je ne me suis pas affolée plus que ça, car Chéri me trouvait si belle, et moi, j’ai nié que je me sentais mal dans mon corps, plus grosse que jamais je ne l’avais été. Une fois passés les 100 kilos, j’ai arrêté de me peser, et continué à me régaler dans les restaurants, à la maison, au cours de nos voyage. A ce moment-là nous partions beaucoup.

Je voyais l’effroi dans les yeux de mes proches, parfois le dégoût, mais je faisais comme si je ne voyais rien. Depuis des années, mes parents et mon frère avaient compris que le sujet était totalement tabou, que je me braquais à la moindre allusion, et se gardaient bien de m’en parler. Le choc, immense, violent, a eu lieu le 31 décembre 2006.

Nous étions en Belgique, à Bruges, pour fêter le nouvel an. Nous avions réservé dans un restaurant gastronomique. La soirée a été belle, c’est tellement facile en Belgique de parler, de faire des connaissances. Nous avons passé une délicieuse soirée. Vers 23h45 on nous a distribué des cotillons, et j’ai mis le petit chapeau pointu en carton coloré sur ma tête en riant. A minuit, tout le monde a embrassé tout le monde pour souhaiter la bonne année, et tout à coup, je me suis vue dans un miroir.

Avec mon petit chapeau pointu en carton sur la tête. Chapeau minuscule sur ma grosse tête bouffie, tête débouchant sur un triple menton, un buste énorme… Décalage terrible et terrifiant entre ce petit chapeau et ma grosse tête reposant sur mon gros corps. Moi qui ai un long cou et un port de tête que j’aime bien, là je n’en avais plus, il avait disparu sous la graisse et ma tête était directement posée sur mes épaule informes. Mon sourire est parti, je suis devenue livide…

Je me suis prise moi-même en pleine face, et ce fut violent ! Des mois que je ne me regardais pas vraiment, que je ne me pesais pas. Je me suis vite reprise et remise à sourire, mais je me suis dit « Je me souhaite une bonne année 2007, et quand cette année se terminera, je serai mince ou morte, mais pas grosse ». Ce petit chapeau, je l’ai gardé de nombreuses années, il a été mon déclic, mon sauveur.

Le lendemain matin à l’hôtel, je me suis regardée dans le miroir en pied. Regardée vraiment, faisant un état des lieux sans concession, sans me voiler la face. Et ma détermination n’en a été que plus immense. Ce premier jour de l’année 2007 serait le premier jour de mon changement. Je n’en ai pas parlé à Chéri, je voulais réfléchir. Nous sommes rentrés à Paris, et j’ai dit que je n’avais pas faim, que le repas du Nouvel an n’était pas encore digéré. Je n’ai rien mangé pendant deux jours, et, au moment de reprendre le travail je lui en ai parlé.

Mais je lui en ai parlé d’une façon maladroite. Forcément ça tournait en boucle dans ma tête depuis trois jours et j’étais décidée, mais lui, ne s’attendait pas du tout à ce que j’aborde ce sujet de but en blanc. Il a été noyé sous mon flot de paroles et de larmes, tout sortait sans ordre logique. Il a retenu que j’avais décidé de maigrir, coûte que coûte, par n’importe quelle méthode. Car je m’étais pesée en rentrant de Bruges, et je pesais un poids jamais atteint.

113 kilos.

113 kilos.

113 kilos, pour 1m70.

Je ne pouvais pas penser à quoi que ce soit d’autre.

113 kilos.

113 kilos.

J’allais devenir dingue, je ne pouvais plus réfléchir, ce nombre tournait follement dans ma tête. Et là, ma nature excessive n’a plus connu de limite. Je suis passée de tout à rien. Pendant un mois, j’ai mangé une pomme par jour. Rien de plus. Le premier février, j’étais repassée sous les 100 kilos. J’étais extatique, dynamique comme jamais. Chéri était affolé. Mes collègues aussi. Mes amies aussi. Tout le monde sauf moi, qui ne me voyais pas. Je ne voyais que les chiffres sur la balance. En février, en plus de la pomme, chaque jour, j’ai ajouté une tranche de jambon blanc.

Et perdu encore dix kilos. Chéri était de plus en plus affolé. Je ne voulais plus aller au restaurant, plus manger. Il a fini par appeler mes deux amies les plus proches qui elles aussi s’inquiétaient. Elles m’ont prise entre quat’zeux et m’ont parlé, comme les vraies amies peuvent se permettre de parler. Elles m’ont forcée à me regarder dans un miroir. J’avais les yeux creusés, le teint gris, beaucoup moins de cheveux. Elles m’ont dit que Chéri, elles, tout le monde se faisait beaucoup de souci pour moi qui avais si mauvaise mine.

Mais moi je ne voyais pas ça dans le miroir, je voyais juste mon visage qui retrouvait forme humaine, mon cou qui commençait à réapparaître… Chéri et mes amies ont fini par me convaincre d’aller voir une diététicienne. Je l’ai fait. J’ai tout bien écouté ce qu’elle me disait, pris ses instructions sans broncher, et n’en ai fait qu’à ma tête, comme d’habitude. J’ai quand même recommencé à manger un peu, passant de 150 calories par jour à environ 800.

J’ai continué à maigrir, moins vite, mais maigrir. En avril 2007, quatre mois après ce nouvel an de prise de conscience, j’étais passée de 113 à 83 kilos. 30 kilos en quatre mois. Je continuais consciencieusement à aller chez la diététicienne, pour me donner bonne conscience et apaiser tout le monde. Je mangeais environ 1000 calories par jour. J’avais retrouvé meilleure mine, prenais soin plus que jamais de ma peau. En revanche je n’avais plus beaucoup d’énergie, et étais moins agréable à vivre pour Chéri, à coup sûr.

Nous n’allions plus que rarement au restaurant, et pour manger avec lui le soir, je ne mangeais pas de la journée. Ainsi je partageais un repas avec lui. Je crois que Chéri a eu peur, peur pour moi, et peur pour notre couple peut-être. Il n’y avait pourtant pas de quoi, notre amour se renforçait de jour en jour. Mais avec le recul, je comprends son désarroi.

Et c’est en ce mois d’avril 2007 que Chéri m’a demandée en mariage. Moi qui avais toujours été farouchement contre le mariage, j’ai été stupéfaite de sa demande, je n’y avais jamais pensé, nous n’en avions jamais parlé. J’ai été submergée d’une vague d’émotion(s), de bonheur, et je n’ai pas eu besoin de réfléchir pour dire oui. Nous venions d’acheter l’appartement où nous sommes encore, un beau grand appartement à Montmartre. Cette année fut plus que riche en bonheurs. C’était aussi l’année de mon quarantième anniversaire. Nous avons fait une petite fête pour la famille proche, fêtant mes quarante ans, notre crémaillère, et annonçant ainsi à la famille que nous allions nous marier, mais que nous ne les inviterions pas.

En effet, Chéri et moi avions le désir profond de nous marier parce que nous nous aimions et savions vouloir passer notre vie ensemble, mais ça ne nous ressemble pas de vouloir faire un grande fête où, plutôt que célébrer l’amour, on essaie de paraître heureux et de montrer aux autres qu’on l’est, en faisant surenchère d’effets spéciaux, de clinquant… Enfin, nous c’est ainsi que souvent nous ressentons les choses aux mariages auxquels nous sommes invités… Nous avions juste envie de faire un déjeuner dans un bon restaurant, avec nos parents et nos frères. Ce que nous avons fait, allant tout simplement à pied de chez nous à la mairie, puis dans un restaurant niché dans les escaliers de Montmartre, tout petit restaurant gastronomique que nous avons privatisé pour la quinzaine que nous étions. A notre mariage, le premier décembre 2007, tout le monde m’a trouvé limite maigre. Je pesais moins de 80 kilos. Et en effet, je faisais maigrelette, car j’avais perdu beaucoup de volume, beaucoup de masse musculaire et mon corps n’était pas tonique ni harmonieux. Aujourd’hui, je pèse moins qu’à notre mariage mais je parais plus tonique, plus forte, beaucoup mieux me dit Chéri.

Notre mariage a été un peu gâché par une réflexion de mon père. Lui qui ne m’a jamais dit que j’étais belle ou qu’il m’aime a choisi ce jour-là pour me le dire, de la plus maladroite des façons. Il m’a dit à l’oreille « Aujourd’hui tu es belle parce que tu as maigri, c’est comme ça que je t’aime. Ne regrossis jamais ». Je lui ai dit que je ne pouvais pas promettre une telle chose…

Nous étions en décembre 2007, et j’avais tenu la promesse que je m’étais faite au premier janvier. Mais j’étais à bout d’énergie, je ne pouvais plus lutter contre la nature et continuer ainsi à me sous-alimenter. Petit à petit, un peu plus chaque jour, j’ai mangé un peu plus. En mars 2008, j’étais remontée à 84 kilos.

Et… je suis retombée dans l’engrenage infernal, j’ai arrêté de me peser. J’ai mangé du chocolat, des chips, me disant « oh je le mérite bien après tous mes efforts ». Mais ça, ça passe une fois de temps en temps, mais pas tous les jours… Quand on fait ça tous les jours, forcément on regrossit. Surtout que je n’avais pas pris la peine de stabiliser sainement les kilos perdus trop vite et n’importe comment. Et ainsi a continué pendant cinq ans le yoyo. Grossir, prendre conscience, maigrir n’importe comment, re-grossir et ainsi de suite…

Je vais arrêter là pour aujourd’hui, à chaque fois, raconter tout cela dont j’ai si rarement parlé me secoue. Là je me mets totalement à nu devant vous, et ce n’est pas très flatteur pour moi, pour mon comportement de toutes ces années… Mais je crois que c’est nécessaire, pour moi, pour m’éviter, une bonne fois pour toutes de grossir à nouveau, pour vous, qui allez enfin comprendre toutes mes errances…

Prochain épisode, ma découverte du sport avec JC. Et en attendant, je vais à ma séance avec Paul. Après la séance de reprise d’hier, je suis une boule de courbatures. Sept semaines d’inactivité, ça ne pardonne pas:-))))))

10 réflexions au sujet de « J’ai toujours été grosse… obèse (partie 3) »

  1. Je n’ai pas la même histoire, ni parcours, mais perdre du poids et le reprendre, ça me parle. Et puis,un jour, j’ai découvert ton blog, et tu m’as motivée, il fallait que je fasse du sport, car me priver de nourriture, je savais faire mais ce n’était pas suffisant, et puis un jour, j’ai rencontré un coach sportif, et j’ai pensé à toi et JC. Je me suis dis que c’était le bon moment, 6 ans plus tard, c’est toujours mon coach, il me connaît mieux que personne. J’ai perdu du poids que je n’ai pas repris, je ne suis pas mince mais j’ai une silhouette qui me plaît. Je vais avoir 61 ans le 29, et me trouve plutôt en forme.
    Je peux dire que tu es ma motivation. Alors, merci.

    J’aime

  2. Il y a 5 ou 6 ans je suis allée voir une diététicienne car je commençais à faire de l’hypertension et devais perdre du poids. Quand elle a prononcé le mot obésité j’étais stupéfaite… Je pensais 85 kilos pour 1,6m. J’ai perdu 10 kilos en suivant ses conseils, en ai repris 4 ou 5. Ce sont aussi les photos qui me font de la peine, je ne me plais pas du tout et ne me vois pas comme ça dans ma tête… c’est dur de rester mince. Merci pour votre témoignage si généreux qui me fait vraiment réfléchir à mon comportement alimentaire, à ce besoin d’absorber des aliments sucrés sans faim. Il me motive aussi pour bouger davantage. Je commence à apprécier les courbatures moi qui haïssais le sport. C’est un peu, ou même beaucoup, grâce à vous…

    J’aime

  3. C’est fou parce que je n’ai jamais été grosse ni en surpoids mais je me reconnais dans ce que tu dis. Moi aussi j’ai des périodes où je mange n’importe quoi, je n’ai jamais vomi un repas mais mangé à ne pas pouvoir en dormir, oui. Mon père a fait des remarques sur mon poids toute ma vie alors même que j’ai toujours été mince, récemment je lui ai dit les ravages que ses remarques à la con ont provoqué, je me vois grosse alors que je ne le suis pas. Je crois que toutes les femmes ont une histoire douloureuse avec leur corps. Pas toutes mais une grande majorité.

    J’aime

Laisser un commentaire