Oui ce titre est ridicule mais il me plaît beaucoup:-)
Ce week-end je ne suis pas allée à Reims. Repos total. Je n’ai pas mis un pied dehors.
J’ai lu plusieurs heures. Un film avec Chéri. Un film jubilatoire, l’Art du Mensonge. Nous avons aussi regardé plusieurs épisodes d’une série que j’aime beaucoup, Your Honor, qui passe en ce moment sur Canal. Je me suis fait un masque pour le visage. J’ai dormi. Cet après-midi en lisant, je me suis endormie deux heures.
Bref, un chouette week-end, seule avec Chéri, je n’ai réellement besoin de pas grand chose de plus. Ce matin Chéri a fait le marché. Je lui ai demandé d’acheter du poisson, des carottes, fenouils, poireaux, champignons, betteraves rouges, salade, j’ai des envies de légumes… Et j’avais très envie d’une tarte aux poireaux, cela fait des mois que nous n’avions pas mangé de tarte au légumes.
Pendant que je dormais cet après-mid Chéri a fait une magnifique tarte aux poireaux. Quand je me suis réveillée à 17 heures ça sentait terriblement bon dans tout l’appartement. Chéri connaît mes goûts et en plus des poireaux a mis des oignons, et surtout, de la muscade. Je suis dingue de muscade. Des oeufs, un peu de crème, des petits morceaux de comté, et résultat, cette délicieuse tarte.
Pour compléter mon repas, j’ai bu une tasse de lait au malt. Ma nouvelle gourmandise, la poudre de malt, hummmm quel délice.
Voilà, un week-end doux et léger, je suis en pleine forme pour la semaine qui s’annonce dense au travail, et aller samedi prochain à Reims. J’espère que vous avez passé un beau et bon week-end
Je crois que je n’oublierai jamais la semaine du 8 janvier 2021.
Ce vendredi 8 janvier 2021 a clos un pan important de ma vie. J’ai mis plus de deux semaines à me remettre de cette journée. Deux semaines pendant lesquelles je n’ai pratiquement pas parlé, impossible de dire quoi que ce soit.
Ce vendredi 8 janvier je suis allée à Charleville, signer la vente définitive de la maison de mes parents chez le notaire. Il faisait très très froid. Vu le peu de trains qui circulent, je suis arrivée deux heures avant l’heure du rendez-vous chez le notaire. Deux heures que j’ai passées à marcher dans la ville où je suis née. Transie. Et comme les cafés et restaurants sont fermés, pas possible de me réchauffer en buvant un café, en mangeant quelque chose.
Le rendez-vous chez le notaire était à 14 heures, je suis arrivée en me tortillant tellement j’avais envie de faire pipi et me suis excusée en leur demandant si je pouvais utiliser les toilettes. J’étais glacée, et surtout, j’avais une terrible boule au ventre. Comme j’ai regretté à ce moment-là d’avoir dit à mon frère et à Chéri que ce n’était pas la peine qu’ils viennent.
Les acheteurs de la maison sont arrivés quelques minutes après moi, un couple d’une quarantaine d’années. Nous avons parlé, ils ont eu un énorme coup de foudre pour la maison, la cheminée du salon, le jardin… Et là, je me suis mise à pleurer. Pas pour la maison, moi au contraire dès l’âge de sept ans je rêvais de vivre dans un appartement à Paris, je n’ai jamais particulièrement aimé la maison, et le jardin je n’y allais jamais, mais je pleurais pour mes parents, pour les trente ans qu’ils ont mis à payer cette maison, mon père qui a travaillé de nuit pour gagner un peu plus, pour les projets qu’ils y ont faits, pour je ne sais pas trop quoi, ou pour tout finalement.
Dans le bureau du notaire, pendant qu’il lisait l’acte de vente, mes larmes ont coulé encore… Ça a duré en tout et pour tout à peine une demi-heure. J’ai dit au-revoir aux acheteurs, leur souhaitant d’être heureux dans cette maison, et en tout cas ils avaient l’air si heureux de l’acheter, et je suis vite partie, en les priant encore de m’excuser de pleurer ainsi.
Mon train n’était que deux heures plus tard. Je suis retournée à pieds à la gare, et me suis assise sur un banc dans le square, frigorifiée. J’ai appelé ma mère, puis mon père, puis mon frère…Ce n’était qu’une formalité, un papier à signer, mais j’avais tellement l’impression de signer illégitimement.
Je ne parviens toujours pas à me faire à l’idée d’être la tutrice de mon père, d’avoir la procuration de ma mère. Je me sens comme une voleuse, je suis rongée de culpabilité quand je pense à mon père dans son Ehpad. Bien sûr nous allons le voir aussi souvent que nous en avons le droit, c’est à dire 45 minutes tous les deux jours. Nous lui avons acheté un téléphone adapté à son état, tellement simple d’utilisation qu’il parvient à nous appeler et à répondre quand nous appelons. Chaque semaine quand je le vois il me dit que l’équipe est gentille avec lui et en effet, je vois le personnel attentif, il dit qu’il mange bien, mais qu’il dort mal, qu’il pense à nous…Enfin il me dit ça les fois où il me reconnaît… Enfin voilà, en huit mois, malgré les confinements et les difficultés de circuler, les retards administratifs, en huit mois mon frère et moi avons fait le maximum pour adoucir la vie de nos parents, qui à la fin, en mars 2020 étaient en grande difficulté pour être autonomes dans leur maison. En huit mois, je suis devenue tutrice de mon père, nous avons trouvé l’Ehpad « le moins pire » possible pour mon père, un appartement à 500 mètre de mon père pour ma mère, vidé et vendu la maison.
Ma mère est incroyablement courageuse elle a traversé ces huit mois en s’adaptant aux changements. Elle a été très fatiguée, épuisée, triste, a fait plusieurs malaises cardiaques, se retrouve seule, elle qui s’est mariée à 20 ans et a vu sa vie exploser à 83 ans. Aujourd’hui elle aime son appartement, un petit cocon de confort et de douceur. Elle fait de la sophrologie, de la gym posturale toute douce, elle commence à aller boire le café chez ses voisins, une kinésithérapeute passe deux fois par semaine pour lui faire travailler le dos qui la fait souffrir. Elle déjeune chez mon frère régulièrement le dimanche, je déjeune avec elle pratiquement chaque samedi. A chaque fois que j’y vais, Chéri lui cuisine plusieurs plats qu’elle peut surgeler, je lui apporte un petit cadeau.
Idem pour mon père, chaque semaine je lui apporte les gâteaux qu’il aime, l’Equipe qu’il lit depuis toujours, des magazines. Chaque matin on lui livre l’Ardennais, qu’il continue à lire assidûment. Malgré tout, je sais que mon père n’est pas heureux. Il s’ennuie, il n’a de goût à rien. Il pleure. Je le sais et ça me détruit. Que puis-je faire ? Que puis-je changer ?
Je les appelle chaque jour, mon frère y passe plusieurs fois par semaine. En huit mois nous avons fait beaucoup de choses mon frère et moi, nos parents étant NOTRE priorité, nous avons mis tout le reste entre parenthèses. J’y vais trois samedis sur quatre, Chéri vient avec moi une fois sur deux.
Depuis le 8 janvier, je commence à me détendre, je dors un peu mieux. Je fais de mauvais rêves cependant, je me sens tellement coupable pour mon père. Je tourne et retourne ça, je voudrais aller le voir plus souvent, je voudrais le voir sourire. Dès que les règles sanitaires seront moins strictes, nous aurons le droit de sortir un peu avec lui, l’emmener boire un café, mais pour le moment, c’est 45 minutes tous les deux jours point barre. C’est inhumain, je ne pourrai jamais me le pardonner.
Reste à venir à bout de cet épuisement. Car tout en faisant tout cela pour mes parents j’ai cherché et trouvé du travail, réussi ma période d’essai. Quand j’y pense, je ne sais pas comment j’ai tenu debout durant tous ces mois. Sans dormir. Sans rien laisser paraître devant mes nouveaux collègues.
Aujourd’hui le contrecoup est rude. Mais malgré tout ça commence à aller un tout petit peu mieux, je pleure un peu moins, je réussis à parler un peu plus… Je suis très fatiguée car en plus des cinq jours de boulot, le samedi je me lève très tôt pour aller prendre le train. Sitôt arrivée à Reims, je prends le bus pour aller chez ma mère, je bois un café avec elle, puis vais lui faire ses courses. Nous déjeunons chez elle, puis allons à l’Ehpad. Et je repars. Pas vraiment des journées de repos. Sans compter que pratiquement à chaque fois il y a des problèmes de trains. Pour des raisons divers et variées.
Il y a deux ou trois semaines je ne sais plus, vous savez il y a eu un épisode neigeux. Trois fois rien. Les trois-quatre centimètres de neige qui a chaque fois mettent les citadins ridiculement en émoi, les faisant patauger dans ces quelques centimètres de neige qui au bout d’une heure ne sont plus qu’une boue glissante. Et bien ce samedi, à cause de ces quelques flocons, mon TGV a eu deux heures de retard… Je suis rentrée à Paris tard le samedi soir, exténuée, frigorifiée, rentrant de la gare de l’est sur des pavés glissants… A chaque fois il y a quelque chose qui retarde les trains… Sans compter qu’en cette période de couvre-feu, des trains il n’y en a pas beaucoup…
Cette semaine du 8 janvier j’au aussi eu d’autres émotions. Mercredi 6, l’Ehpad m’appelle, pour me demander si je donne l’autorisation que mon père soit vacciné. Ce n’est pas la question elle-même qui m’a tant fait mal. Nous en avions déjà parlé avec mon frère, j’étais plutôt contre, mon frère plutôt pour, nous avons fini par décider que oui, nous allions dire oui, sinon mon père serait confiné plus encore, mis à l’écart. Quand mon tout viendra d’être vaccinée, je ne suis pas sûre de le vouloir, mais c’est un autre débat. Bref, quand l’Ehpad m’a appelée, me disant que c’est à moi que revenait la décision, j’ai senti mon coeur se décrocher. Toujours ce problème d’acceptation d’être tutrice.
D’habitude, ce sont les parents qui font vacciner leurs bébés pour les protéger, pas les enfants qui décident que leurs parents vont être vaccinés ou pas. J’étais au bureau quand l’Ehpad a appelé, et heureusement que j’ai un bureau individuel, car après avoir raccroché, j’ai sangloté !
Et pour dire que cette semaine précisément fut riche en émotions, jeudi 7, j’ai eu mon entretien d’évaluation annuel. Bon, n’étant là que depuis quatre mois il n’y avait pas tant de choses à dire, d’autant que j’avais déjà eu un entretien à la fin de ma période d’essai. J’ai eu cet entretien avec le Président et la Directrice Générale, puisque je suis leur assistante à tous deux. Je redoute toujours les entretiens d’évaluation, qui souvent, sont un exercice d’auto-critique demandée par l’entreprise. Mais… je ne travaille plus pour une entreprise. Je travaille dans un milieu tellement différent, humain ! Ils m’ont dit tellement de choses gentilles, je ne savais plus où me mettre. Ils m’ont notamment dit que j’ai su m’adapter dans cette période pas facile, avec beaucoup d’intelligence humaine. Ils m’ont dit qu’ils ont vu des dizaines de candidats pour remplacer leur précédente assistante et ont du mal à me trouver. Ils m’ont dit que mon sourire, ma pro-activité, mes capacités d’adaptation et d’anticipation, mes compétences confirmées leur changent la vie.
Bien sûr mes yeux se sont mis à briller d’émotion, je luttais pour retenir mes larmes. Ils m’ont dit qu’ils voient mon hyper sensibilité et que je peux prendre confiance en moi, ne jamais douter de moi. Qu’ils sont ravis de travailler avec moi, qu’ils aiment ma loyauté, mon sens de la confidentialité, mon enthousiasme. Et je leur ai dit que travailler avec eux, dans ce milieu pile à cette période de ma vie est magnifique pour moi.
Je connais encore très mal ce secteur, toutes les organisations, instances, tous les organismes à comprendre, à faire le lien entre eux etc me prendra encore plusieurs mois, ils m’ont confirmé qu’il faut même plusieurs années pour en saisir toutes les subtilités. Mon travail est passionnant. Le Président, qui s’occupe de l’aspect politique, la DG qui s’occupe de la Gouvernance, voilà qui me fait faire en permanence le grand écart puisque j’assiste les deux. Les interlocuteurs sont très différents. Le Conseil d’administration et des ministres, députés, sénateurs d’un côté, le Comité de Direction de l’autre. Le Président souhaite que je devienne l’interlocutrice privilégiée des Administrateurs, ma diplomatie n’étant plus à prouver… Seulement il y a déjà une assistante dédiée aux Administrateurs, alors le Président réfléchit à « transvaser » certains côtés de nos postes respectifs, car les Administrateurs viennent plus spontanément vers moi. Tout comme les attachés parlementaires, ou les représentants des cabinets ministériels.
Les mois et années à venir vont être passionnants, surtout avec les présidentielles de 2022. Je n’ai jamais eu un travail aussi dense, et surtout aussi difficile intellectuellement. Sans compter les cas de détresse humaine qui remontent jusqu’à nous. Chaque jour je remercie la petite étoile ou je ne sais quoi qui m’a permis de trouver ce travail. En plus, le lieu où je travaille est magnifique.
C’est une ancienne fabrique de malles. Un immeuble de cinq étages avec un hall imposant, une cour arrière où se dressent deux petites maisons. Cet immeuble appartient à l’association pour laquelle je travaille, leg d’un adhérent à la fin des années 70. Le Conseil d’Administration a voté sa rénovation complète. Les travaux démarrent le 15 mars, la préfecture de Paris a donné le Go, et seront finis normalement le 30 septembre. L’architecte m’a montré les plans, ce sera lumineux, et fait pour le bien-être des salariés. En attendant, pendant ces six mois, un de nos mécènes nous prête des bureaux, en proche banlieue.
Moi je reste sur place, le Président et la DG souhaitent que je sois là, avec le Directeur des services généraux qui supervise les travaux. Il risque d’y avoir du bruit et de la poussière, mais enfin, en ce moment où nous travaillons à 80% en télétravail, c’est le moment ou jamais de faire ces travaux. Ce sera peut-être, sûrement même moins drôle pour les habitants des immeubles voisins d’avoir les travaux du lundi au vendredi, de 9h à 17h en cette période de pseudo confinement. Nous avons prévenu les co-propriétés voisines, ainsi que le collège juste en face. J’ai rédigé hier un mot signé du Président et de la DG que nous allons donner à chaque habitant des immeubles voisins pour les prévenir de ces six mois de travaux à venir. Bref, je m’égare, ce n’est pas ça que je venais raconter…
Je voulais vous raconter à quel point la semaine du 8 janvier a été riche en émotions. J’ai plein d’autres choses à vous raconter, je dois reprendre le rythme. J’espère que vous allez tous bien, pas trop démoralisés. Je vois en ce moment tellement de gens usés psychologiquement par cette année 2020, agressifs ou au contraire éteints. En ce qui me concerne, le confinement, le couvre-feu, le fait de ne pas avoir pris un seul jour de vacance depuis août 2019, je le supporte plutôt bien. 2020 m’a fait relativiser tellement de choses. Alors j’espère que vous allez bien, et je vous remercie du fond du coeur de prendre mes nouvelles quand je ne viens pas assez souvent.